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Une élection prévisible et surprenante

Par A’mir Choksi et Jacopo Marchesini


Marine Le Pen et Emmanuel Macron



L’élection présidentielle française de 2022 s'est terminée avec la victoire d’Emmanuel Macron qui a réussi à obtenir 59% des voix au second tour, contre 41% de son adversaire politique Marine Le Pen.


Il s’agissait d'une victoire, tout compte fait, prévisible en raison des sondages effectués après le premier tour, qui indiquaient le président sortant comme favorisé avec 57% selon Ipsos.

Pourtant, il faut préciser que l’écart entre les deux candidats était bien inférieur si l’on considère les sondages effectués avant le premier tour (7-8 avril), selon lesquels Macron avait l’avantage sur Le Pen seulement avec 52% des préférences.


En outre, en ce qui concerne les résultats du premier tour, il faut ajouter que Jean-Luc Mélenchon -le candidat du parti de gauche La France Insoumise- a été près de la victoire sur Marine Le Pen en obtenant 22% des voix, contre 23% de la candidate de droite. D’ailleurs, les dernières prévisions suggéraient que le consensus de Mélenchon s'établissait à 18%, donc on doit reconnaître qu’il a presque passé le premier tour contre un adversaire politique très populaire comme Marine Le Pen.


Cependant, la victoire d’Emmanuel Macron n’est pas due au fait que l'électorat partage ses idées, mais plutôt à une tradition très diffusée en France, celle de faire barrage à l'extrême droite. La majorité des candidats qui avaient été éliminés au premier tour avaient appelé leurs électeurs à voter contre Marine Le Pen. Jean-Luc Mélenchon, après la défaite au premier tour avait dit: "Il ne faut pas donner une seule voix à Mme Le Pen!” sans appeler clairement à voter pour Macron. Certains électeurs ont interprété cela comme une invitation à voter pour le candidat de La République en Marche (42% de l’électorat de Mélenchon) tandis que d'autres ont perçu les mots du candidat de La France Insoumise comme une pression vers l’abstention (41% de ses électeurs) et seulement 17% de ses votants sont allés contre la volonté du candidat et ont voté pour Mme Le Pen.


Dans son discours au Champs de Mars, suite à sa victoire, le président a reconnu le soutien des électeurs qui l’ont voté même s’ils ne partagent pas complètement ses idées. Emmanuel Macron s’est ensuite adressé à ceux qui ont choisi l'abstention ou de voter pour l'extrême droite en disant que cette partie de la population (qui représente la majorité des français) doit aussi avoir une réponse et il a conclu son discours en disant que “Cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s’achève”.

De l’autre côté, Marine Le Pen considère le résultat de l’élection une “éclatante victoire” pour l'extrême droite et la manifestation de la volonté des Français qui souhaitent un “contre-pouvoir fort face à celui d’Emmanuel Macron”.


Toutefois, un chiffre inquiétant est celui du taux d'abstention qui continue de grandir, en effet 28.2% des français n'ont pas exprimé leur voix (25.44% en 2017).

Dans le profil des abstentionnistes on retrouve les différences sociologiques habituelles: comme d’habitude, le taux d’abstention est inversement proportionnel à la catégorie d'âge: 41% des 18-24 ans, plus du tiers des 25-34 ans (38%) et des 35-49 ans (35%) se sont abstenus, pour 26% des 50-59 ans, 20% des 60-69 ans et 15% des plus de 70 ans.

Si on se focalise sur la profession des interviewés on peut observer un niveau d’abstention équivalent chez les cadres (33%), les professions intermédiaires (33%), les employés (31%) et les ouvriers (33%). En ce qui concerne la participation par rapport au niveau d’études, on ne mesure pas une grande différence: 28% d'abstention chez les non-bacheliers, 28% chez ceux qui se sont arrêtés au baccalauréat, 30% chez les bac+2 et 27% chez les bac+3 et plus.

La norme d'une abstention décroissante par rapport au niveau de revenus est en revanche mesurée, avec 40% d'abstention au sein des foyers disposant de moins de 1250€ par mois, 32% dans la catégorie 1250€-2000€, 25% dans la catégorie 2000€-3000€, 22% au-delà.


La division des votes entre les deux candidats chez les catégories professionnelles a enregistré un clivage important, avec 77% de voix pour Macron chez les cadres, 59% au sein des professions intermédiaires, contre 67% de voix pour Le Pen chez les ouvriers et 57% chez les employés. Donc la popularité de Le Pen a beaucoup augmenté par rapport à 2017 quand Macron avait devancé la candidate d'extrême droite dans toutes les catégories de revenus.

Les écarts sont plus marqués sur des critères subjectifs: plus des deux tiers de ceux qui se considèrent "satisfaits de leur vie" ont voté pour Emmanuel Macron (69%), mais près de 80% de ceux qui ne sont pas satisfaits ont voté pour Marine Le Pen (79%). Idem quant au milieu social auto-déclaré, avec 65% de voix pour Le Pen dans les suffrages exprimés par ceux qui se déclarent d'un milieu "défavorisé", contre 79% de voix pour Macron au sein des milieux aisés ou privilégiés. Ceux qui arrivent à mettre "un peu" ou "beaucoup" d'argent de côté ont en général voté Macron (respectivement 68% et 75%), mais ceux qui bouclent juste leur budget, qui vivent sur leurs économies ou grâce aux crédits ont davantage penché du côté de Marine Le Pen (à 54% et 52%).


Au-delà de l’abstention, près de trois quarts des français sont allés voter pour asseoir une nette victoire d’Emmanuel Macron. Celle-ci se fonde sur les voix des plus âgés qui sont assez favorables au président sortant (59% des suffrages exprimés dans la catégorie 60-69 ans et jusqu'à 71% chez les électeurs de plus de 70 ans).

Même s’ils ont moins voté, l’électorat est également favorable à Macron chez les jeunes (61% des suffrages exprimés dans la catégorie 18-24 ans), tandis que c’est plus équilibré dans les catégories intermédiaires (25-60 ans).


Mais la campagne électorale en France n’est pas encore terminée, le 12 et 19 juin les français seront appelés à voter les 577 députés à l’Assemblée Nationale.

Actuellement, il faut donc qu’un parti, un mouvement ou une coalition obtienne au minimum 289 députés pour avoir la majorité absolue à l’Assemblée. En 2017, lors des élections législatives, 313 députés de LRM ou apparentés avaient été élus au Palais-Bourbon. En fin de législature, à la suite de désaccords et de prises de distance, ils n’étaient plus que 267, mais le gouvernement a pu s’appuyer sur d’autres groupes politiques, comme le MoDem (57 députés), pour faire passer ses textes de loi.

L’Assemblée Nationale devra approuver le premier ministre nommé par le président et donc si la majorité à l’Assemblée est de tendance politique opposée à celle du président on pourrait avoir une situation de “cohabitation”.


C’est en réalité une hypothèse à laquelle vise Jean-Luc Mélenchon lorsqu’il évoque un “troisième tour” de l’élection présidentielle, où il demande aux Français de l’”élire premier ministre”. S’il ne peut être “élu” à cette fonction, comme il l’affirme, puisque le premier ministre est désigné par le président, il espère que sa coalition, l’Union populaire, dont l’élargissement vers les autres partis de gauche est encore incertain, remportera la majorité absolue à l’Assemblée. Dans cette configuration, Emmanuel Macron devrait, de fait, nommer à Matignon une personnalité ayant l’appui de l’Union populaire, sans obligation, néanmoins, de désigner M. Mélenchon.


En 2017, lors du premier tour du scrutin, le taux d’abstention a atteint le record de 50,3 %, contre 42,8 % en 2012 et 39,6 % en 2007. Les 12 et 19 juin, pour chaque camp, l’enjeu central, au-delà des alliances, sera donc celui de la mobilisation des électeurs.


Sources:


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